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IV


Quand Louis Dormont et Francis Balor se rencontrèrent ce matin-là, au sortir de leurs chambres, ils parurent gênés :

— Tiens, où vas-tu de si bon matin ? demanda Francis.

— Bon matin ! Il est neuf heures, mon cher !

— Mon Dieu, pour un vieux Parisien comme moi, neuf heures est matinal, mais je comprends que pour un fermier, ce soit déjà tard.

— Sois donc plus élégant dans tes expressions ! riposta vivement Louis, piqué. Si l’on t’entendait on me prendrait pour ton régisseur !

En disant ces mots, Louis, jetait un coup d’œil autour de lui pour s’assurer que nulle oreille indiscrète ne les écoutait.

Ils avancèrent de quelques pas, et soudain Francis dit :

— Mon cher vieux, je t’abandonne, il faut que j’aille chez le coiffeur.

— J’en suis ravi, parce qu’il faut que je passe chez la manucure.

L’un et l’autre déguisaient leur pensée. Ils voulaient chacun être seul pour essayer de rejoindre Sylviane. Toujours près d’elle, ensemble, il leur semblait que l’un faisait tort à l’autre et ils avaient décidé, à part soi, de tenter leurs chances isolément.

Ils prirent un chemin opposé et quand l’un crut l’autre chez le coiffeur ou la manucure, ils se retrouvèrent au rond-point où Sylviane, chaque matin, accomplissait sa promenade.

Ils retinrent un geste de contrariété en se revoyant, se sentant pris à leur piège. Mais Francis, à force de vivre dans les ruses parisiennes, reconquit tout de suite son aplomb, et Louis, habitué aux caprices des animaux, reprit sans peine sa présence d’esprit.

Chacun adopta l’air railleur :

— Tu n’as pas été long chez ton coiffeur !

— Il y avait foule. Pensant n’en jamais sortir,