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ne pouvait nier, en face des paroles des deux habitués, leurs entretiens antérieurs.

Luc la regardait et il semblait à la jeune fille que son sourire devenait narquois. Il n’en était rien, mais on prête souvent aux autres les sentiments que l’on craint de voir naître en eux.

Luc Saint-Wiff prit enfin congé, à la grande joie de Louis Dormont et de Francis Balor.

Luc s’en fut droit chez Madame Bullot, et lui dit dès l’entrée :

— Mademoiselle Foubry est bien entourée. Deux jeunes sots la contemplent avec des yeux ronds, et happent le moindre de ses mots pour lui tailler un succès. Il serait vraiment désolant que votre Sylviane épousât l’un de ces médiocres personnages.

— Comment, te voici déjà jaloux ! c’est un peu tôt, il me semble.

Luc se mordit les lèvres et riposta :

— Est-ce de la jalousie ? Je croirais plus facilement que c’est une juste appréciation des choses. Il me serait pénible de voir la beauté et l’intelligence de Mademoiselle Foubry s’enliser entre le terre à terre et la vanité de l’un de ces deux adorateurs.

— Admettons que ce ne soit que de la justice, répliqua Madame Bullot en riant, mais tu ne peux empêcher Sylviane d’avoir une cour. Tu dois comprendre que son charme attire, et que les papillons doivent être nombreux.

Quand Luc la quitta, Madame Bullot murmura :

— Que c’est donc compliqué de voir les gens heureux, voici deux cœurs absolument appelés à se compléter, et il faut qu’un malentendu stupide les divise. Cette Sylviane s’offense plus que de raison, et ce Luc a été méfiant hors de propos, et moi je ne suis qu’une sotte de m’être prêtée à cette mascarade. Décidément quand les vieilles gens s’ennuient, elles font autant de maladresses que les jeunes.

De cette première rencontre entre Luc et Sylviane, jaillit un mécontentement de part et d’autre.