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trop belle

en riant… je suis un nomade… mais je ne demanderais qu’à me fixer…

— Comme un papillon… forcé par une épingle dans le cœur…

— Comme vous y allez !…

Les deux interlocuteurs rirent, et la pauvre Sylviane abasourdie les écoutait, se demandant quelle allusion contenait cette conversation ambiguë.

Madame Bullot lui paraissait changée. Malicieuse, son regard se portait sur Sylviane avec tendresse et brusquerie à la fois.

Mais la jeune fille ne cherchait pas à comprendre. La vie, avec ses détours, la rendait philosophe et elle subissait cette ambiance avec calme.

Elle offrit le thé avec sa grâce habituelle. M.  Daniel suivait tous ses gestes, et il vint soudain à Sylviane qu’elle connaissait ce regard-là.

Elle s’assit enfin et observa avec une certaine attention l’inconnu qui s’agitait devant elle en causant avec animation.

Au bout d’un moment, elle dit tranquillement :

— Alors… M.  Luc Saint-Wiff… vous n’êtes donc pas parti pour l’Écosse… et vous voici déjà rentré de Vienne… Quel avion avez-vous pris ?

Un tremblement de terre n’aurait pas surpris davantage les deux complices. Ils se regardèrent interdits… puis Luc se leva, arracha sa fausse barbe que son nez factice suivit, tandis que Madame Bullot remuait ses doigts redevenus agiles, en s’écriant :

— J’en avais assez de cette comédie… et toi… Luc ?

Le jeune homme ne répondit pas. Il contemplait Sylviane, qui, très pâle restait affaissée sur son siège, les yeux dirigés vers le visage de sa vieille amie :

— Madame… commença-t-elle… pourquoi m’avoir tendu ce piège ?

— Luc… il faut lui expliquer…

— Cela s’impose…

— Voici… mignonne… Votre beauté a causé une profonde sensation sur Luc… mais… comment