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visage ressortait livide sous le chapeau sombre. Les yeux brillaient, fiévreux. Son costume était élimé et ses chaussures anciennes.

Elle se leva à l’entrée de Sylviane et la salua d’un bonjour étranglé, comme si elle était retenue soudain par la beauté de la jeune fille.

— Que désirez-vous, Madame ?

La jeune femme tressaillit et balbutia :

— Ma démarche est bien osée mais j’ai appris que vous étiez aussi bonne que belle.

Sylviane eut un geste pour dire que ce préambule était oiseux.

… et je suis venue, continua la visiteuse en hésitant, pour vous expliquer notre peine. Mon mari est un artiste compositeur comme vous ; il a concouru pour le prix de Rome, mais il est tombé malade, et n’a pu se représenter. Il a pu cependant poursuivre sa carrière et l’on a joué de ses œuvres. Nous avons connu de belles heures d’enthousiasme et d’aisance. Mais, depuis deux ans, mon pauvre mari est cloué sur sa chaise-longue par des rhumatismes articulaires et ne peut plus composer. Il s’irrite, il est malade de désespoir autant que de corps, et nous vivons dans le dénuement. Nous avons quatre enfants.

— Quatre enfants ! interrompit Sylviane apitoyée.

— Le plus jeune a trois ans, l’aîné en a neuf ; tout ce petit monde a faim. J’ai vendu tout ce que je pouvais vendre, sauf le piano. Tout a disparu pour acheter du pain.

— Des confrères ne vous ont pas aidés ?

— Au début, si, mais on se lasse, puis on ne peut se plaindre constamment.

Les pleurs perlèrent aux cils de la jeune femme.

— Que puis-je pour vous, Madame ? demanda doucement Sylviane.

Elle pressentait qu’une somme d’argent n’était pas ce que voulait obtenir la visiteuse.

Cette dernière murmura presque bas :

— Mon mari désirerait avoir un entretien avec vous. Il s’excuse de ne pouvoir venir lui-même, mais il ne peut bouger. Il faut que cette requête