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Ces paroles plongèrent Luc dans le désespoir. Il était venu croyant retrouver une fiancée qui l’attendait et elle se trouvait préoccupée d’une masse de choses étrangères à leur union.

Soudain, il ne put plus supporter de voir ce front chargé d’une ombre et il prit congé sous le prétexte de reconduire sa tante.

Il vit Sylviane s’attrister :

— Quoi, dit-elle, vous ne dînez pas avec nous ?

— Pas ce soir, ma chère Sylviane. Songez que je suis descendu du train à quatre heures, que je me suis précipité chez ma tante, puis au concert. Il faut que je rentre à mon hôtel, dont voici l’adresse, ajouta-t-il en riant.

Quand Madame Bullot et Luc furent dans la voiture qui les transportait, ce dernier s’écria :

— Eh ! bien, ma tante.

— Mon neveu ?

— Que suis-je dans cette affaire ?

— Mais le fiancé impatiemment attendu.

— Non, ma tante, la quatrième roue du carrosse musical.

— Quel dépit ! Ainsi parce que Sylviane ne s’est pas occupée uniquement de toi, te voici démoralisé !

— Ma chère tante, quand un homme a rêvé à sa tendresse pendant tout un long trajet, qu’il croit toucher au but, c’est-à-dire être accueilli seul dans la pensée de celle qu’il aime, avouez que c’est dur de se voir en dualité avec une idée, je ne désirais nullement que Sylviane fût un génie, je la voulais simplement femme.

— Eh ! là, beau neveu, crois-tu que les filles sans dot puissent se permettre d’être simplement femmes comme tu dis ? Elles ont à faire l’office de cerveaux pour se prémunir contre l’avenir. Nul doute qu’elles ne demanderaient pas mieux que de paresser en parlant chiffons, mais il faut qu’elles songent à vivre. Sylviane ne savait plus si tu reviendrais. Si tu avais vu son visage désespéré dans cette attente, tu aurais compris que la musique et ses difficultés l’ont sauvée de la