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prudence rocaleux

passion pour la moindre des choses et qui transformait tous ses rêves en une réalité absurde immédiate, dont elle était obligée de se déprendre avec la même rapidité.

— Prudence, vous avez tort de croire que tout ce que vous désirez va devenir une chose réelle. Vous vous hypnotisez, vous vous persuadez et vous finissez par vous dire que tout le monde a tort, sauf vous… Il faudrait vous raisonner, beaucoup moins parler, avoir moins d’orgueil et vous contenter d’être une brave femme modeste. Vous avez de bonnes qualités : vous êtes dévouée, serviable et vous cuisinez dans la perfection, ce qui enchante Jacques. Vous êtes exacte, ce qui plaît à mon mari. Les autres vous jugent peut-être mal, et cela me peine.

Prudence interrompit ce sermon :

— Madame est peinée pour moi, je le comprends. À la place de Madame, je serais toute pareille, mais je suis déjà toute remontée ! Puis, je sais que Madame me revaudra ça par des petits cadeaux, peut-être même une petite augmentation de rien du tout… Ce n’est pas que je la demande, oh ! non, ce serait de l’orgueil, comme le dit Madame, et je suis une brave femme modeste, mais je sais que le cœur de Madame est si sensible, qu’elle ne sera contente que quand j’aurai ma petite revanche. Maintenant, allons cuisiner. Qu’est-ce que je vas mettre pour ce soir ? M’sieu Jacques m’a demandé quéque chose : des croquettes de pommes de terre ? Oui… c’est ça ! Je n’ai que le temps si je veux être prête à l’heure, je ne voudrais pas faire attendre monsieur.

Prudence disparut, laissant encore une fois sa patronne perplexe. Cette femme était-elle rusée ou bête ?…