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prudence rocaleux

mentaire il était évident que la secrétaire ne gardait pas les distances. Mais était-ce bien la secrétaire ?

Cependant, elle voulut encore une fois raisonner sa domestique et la mettre en garde contre des hypothèses fâcheuses.

— Cette personne était sans doute une amie d’enfance ! Il faudrait le savoir avant de se permettre de la critiquer…

— Ouiche ! interrompit Prudence ; il me l’aurait dit tandis qu’il est resté tout penaud, lui aussi. Ah ! j’ connais le monde. Je ne suis pas née d’hier. Tous ces gens-là savent ce qu’ils font.

— Que voulez-vous encore insinuer ?

— Ils complotent et gardent pour eux l’argent du pauvre mort.

— Oh ! Prudence, vous dites une bêtise. L’argent appartient au fils !

— Ah ! si vous aviez vu le regard de ce fils sans cœur quand j’ai fait allusion, sans trop le faire exprès, aux 100 000 francs qu’il me devait, j’ai…

— Vous êtes folle ! interrompit Mme Dilaret, scandalisée ; il ne vous devait rien du tout !

— Ça aurait été la même chose ! J’ai senti que jamais il ne desserrerait les cordons de sa bourse. J’ suis refaite, quoi ! et ce qu’il me doit, je le lui laisse… Nous sommes plus de douze cents, vous voyez ce qui revient à chacun ? Alors, je ne m’en embarrasse pas ! D’abord, de l’argent ? qui a cette odeur d’assassin, je n’en veux pas ! J’ suis fière. J’aimerais mieux mendier, et pourtant cela ne me plairait pas beaucoup.

Mme Dilaret aurait fini par s’endormir devant ce verbiage si la sincérité de l’accent de Prudence ne l’avait réveillée. Elle ne s’habituait pas à ce caractère qui s’agitait avec