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prudence rocaleux

Si elle avertissait le patron, c’était pour se placer bonne première pour la prime.

Ce plan arrangé, elle redevint sereine et, revenue à la maison, elle composa un repas délicieux, ce qui enchanta ses maîtres.

Les deux messieurs lui décochèrent des louanges qu’elle accepta avec modestie.

— Prudence, s’écria Jacques, vous êtes une femme étonnante. Si vous rencontrez une jeune fille dans votre genre, cuisine comprise, je l’épouserai.

Elle était habituée à cette plaisanterie que le jeune homme répétait, et elle y répondit dans le même ton :

— Entendu, M’sieu Jacques, mais j’ai peur que ce ne soit difficile à dénicher… Y en a pas beaucoup comme moi ! Elles peuvent être plus jeunes, mais pour le bon sens, la clairvoyance et l’économie, y en a pas qui me ressemblent.

Ces paroles excitèrent le rire du jeune homme, et ses parents partagèrent sa gaieté.

Quand elle fut sortie, il s’écria :

— La maison est gaie avec un numéro pareil… C’est une joie pour moi de m’asseoir à table. En premier lieu, la cuisine est parfaite, et, d’autre part, cette brave femme a de ces trouvailles.

Mme Dilaret fut sur le point de décharger son cœur en racontant que cette cuisinière modèle lui donnait bien des heures de soucis avec ses suppositions ; mais elle recula devant l’orage qu’elle déchaînerait dans l’esprit de son mari. Lui détestait le scandale, et il prendrait les hypothèses de Prudence au sérieux. Il ne rirait certainement pas, de crainte de voir ces stupidités prendre corps pour nuire à son prestige.

Aussi, Mme Dilaret prit le parti de taire les manifestations saugrenues de Prudence.