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Son stratagème avait réussi. La domestique, prise au piège, était accourue.

— Vous êtes bien bonne, Madame. Je me suis sentie si émue que je ne savais plus ce que je faisais ; au lieu d’enfiler mon mouchoir dans ma poche, je l’ai fourré à côté.

— Ça arrive…

— Et la preuve, c’est que cela m’est arrivé ! Dites donc, il a bien du chagrin, vot’ patron ! Y paraît bien doux, bien tranquille, c’est un homme comme qui dirait une femme, qui ne causerait jamais fort.

— Oui, n’y gronde pas souvent. « Julie, qu’y me dit, préparez ma valise. » Pas plus haut, jamais…

— Ah ! vous vous appelez Mme Julie ?

— Je m’appelle Julie, mais je ne suis pas Madame.

— Bah ! à nos âges, les noms ne comptent guère ! Si qu’on m’appelait Mademoiselle, je ne serais quand même plus une jeunesse à marier.

— Vous, parlez avec un bon sens…

— On a l’expérience de la vie ! Dites donc, il a fait chaud aujourd’hui, si on prenait un petit rafraîchissement, un verre de frais ?

— Oh ! je ne voudrais pas vous déranger.

— Y manquerait plus que je me plaigne ! Vous vous êtes bien dérangée pour me rapporter mon mouchoir.

— Un mouchoir, c’est cher aux jours qu’on est.

Pendant que Julie répondait, Prudence sortait une bouteille de limonade qui rafraîchissait dans un seau. Elle en remplit deux verres en disant :

— J’en ai toujours en été. Il n’y a que cela pour vous enlever la soif. Quand on cuisine, on sèche, et naturellement, faut se remettre