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mais il m’a emmenée au poste de police. Le commissaire a bien voulu me relâcher quand j’ai eu raconté que j’étais innocente, et domes­tique chez Monsieur. Cette comédie a duré deux heures. Je suppose que Monsieur sera au courant et qu’il saura me défendre. Le commissaire m’a prévenue qu’il ferait une en­quête. Vous comprenez, Madame, qu’en atten­dant, je suis dans mes petits souliers. C’est dur pour une honnête femme d’en passer par là !

Mme Dilaret partageait cette impression. Cette fois, Prudence n’était pas coupable. Un audacieux malfaiteur avait eu raison de sa simplicité, et le vol avait réussi avec maîtrise.

La pauvre femme, affaissée sur une chaise, pleurait à chaudes larmes, et sa maîtresse s’unissait à son chagrin. Elle l’encouragea :

— Ne vous désolez pas, ma bonne ! Mon­sieur arrangera certainement cet incident malheureux. Nous vous défendrons, soyez-en sûre…

Il advint ce que Mme Dilaret prévoyait. Le juge reçut la visite du commissaire qui enten­dit l’éloge de la domestique. Puis, quelques jours après, la bouchère vint elle-même pré­senter ses excuses à Prudence ; le voleur était connu. C’était un commis, congédié de la mai­son pour fraudes. Il s’était vengé, mais n’avait pu profiter de son larcin.

Prudence ne se contenait plus de joie. Indé­pendamment du soulagement qu’elle éprou­vait à voir son innocence reconnue, elle était fière de la démarche faite auprès d’elle. C’était une preuve de considération, et elle en goû­tait toute la douceur.

Elle ne réfléchissait pas que la bouchère agissait aussi en bonne commerçante. N’ayant pas revu Prudence dans sa boutique, elle tenait à sa clientèle.