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prudence rocaleux

demain, ça rêve de brun. Je cherchais justement vot’ demoiselle, pour l’avertir qu’il n’y aura pas de gâteaux pour elle, demain.

— Peau de lapin ! hurla le bonhomme.

— Tu me le payeras vieil oiseau ! rugit la rieuse blonde en montrant le poing.

— C’est-y que vous avez voulu jouer avec les sentiments d’une enfant ! cria le père de façon à attrouper les gens.

Prudence, sagement, opposait un front d’airain à cet assaut de vocables malsonnants. Une grande quiétude se dégageait d’elle. Ayant insulté, elle se laissait aussi insulter, de façon que les deux parties fussent quittes. Ces gens de peu ne pourraient l’accuser, puisque, à leur tour, ils la couvraient d’injures.

Le revendeur criait :

— Elle a promis le mariage à ma fille !

Cette phrase entretenait la joie des badauds qui riaient en se disant entre eux :

— Le père Rigolo a encore bien bu aujourd’hui.

Ils s’en allèrent en riant, remplacés par d’autres. La jeune fille était violette de rage : mais nul ne la plaignait. On connaissait ses frasques, et on ne prenait pas au sérieux ce mariage, dont elle se vantait.

Prudence, digne, eut tous les suffrages, et elle reprit son chemin avec les honneurs de cette escarmouche. Quand elle fut hors de vue du groupe, elle marcha plus allègrement Un peu plus, et elle eût esquissé un entrechat, tellement son esprit était soulagé. Elle con venait qu’elle avait été sans cervelle. La peur lui avait fait commettre une fameuse bêtise ; mais maintenant, elle se promettait, sur ce qu’elle possédait de plus sacré, qu’elle n’ouvrirait plus la bouche que pour le nécessaire, ah ! oui !