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prudence rocaleux

aimé ne pas mettre sa patronne au courant, avant que Jacques se fût expliqué avec sa future. Mais les événements se présentant autrement, il fallait les accepter bon gré, mal gré.

Jacques ne cessant pas de rire, Prudence prit le parti d’avouer :

— M’sieu Jacques est bien content, parce qu’une belle jeune fille s’est amourachée de lui. On a vu plus drôle que ça ; mais M’sieu Jacques prend tout tellement du côté joyeux, que cette amitié, à laquelle il ne s’attendait pas, fait déborder la joie qu’il a dans le corps.

Mme Dilaret devint sérieuse tout de suite, et un air sévère remplaça le rire qu’elle escomptait.

Elle estimait que sa servante dépassait ses fonctions, et elle dit :

— Je vous croyais une honnête femme, Prudence, et je ne pensais pas que vous seriez capable de faire de semblables commissions.

— Oh ! Madame, rugit la servante, devenue rouge comme le feu, je ne me charge pas de commissions malhonnêtes. Elle ne m’a rien dit, c’te jeunesse. Oh ! là ! là ! c’est bien trop comme il faut ! Oh ! la pauvre, si elle savait ça, elle… la fille d’un sé… sé…

— Sécateur ! souffla Jacques.

— Quoi ? cria Mme Dilaret.

— Oui, Madame, et c’est venu tout seul, cette affaire… On dit que l’esprit souffle où il veut ; mais, l’amour ! Madame, ah ! l’amour ! ça roule comme un nuage… et ça crève où le bon Dieu veut ! ça a crevé sur c’te gamine qui a vu passer M’sieu Jacques, et c’est bon comme du pain, et innocent comme l’agneau. Me donner une commission ! Ah ! ma patronne ! c’est pas des choses à faire ! Elle me racontait sa robe de mariée ; il y avait tout un oranger dessus ! C’est y pas une fleur de