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prudence rocaleux

Prudence fut un peu choquée par cette exclamation, mais elle savait que les jeunes filles évoluaient, et qu’elles ne cachaient pas leurs sentiments.

— Oui, c’est le fils de mes patrons : un jeune homme qui est aussi bon qu’un sucre d’orge ! Il est fortuné, veut se marier et vous a remarquée : « Quelle allure ! qu’il m’a dit, et quels cheveux ! » Il vous a rencontrée quatre ou cinq fois, et quand je vous ai parlé dans l’épicerie, je voulais entendre votre voix et me rendre compte si vous aviez de la riposte. Maintenant, il désirerait un accord avec vous pour vos fiançailles.

— Dites donc ! pourquoi qu’il ne me « cause » pas lui-même ?

— Oh ! là ! là ! quelle idée ! si vous l’entendiez rire, vous comprendriez tout de suite que ce n’est pas le rire d’un idiot ! Moi, j’ai trouvé que c’était plus convenable que je vous annonce d’abord sa volonté. Il a eu peur que vous le refusiez, ce petit !

— Il n’a guère de courage !… Pourquoi qu’il ne se bat pas ?

— Il a eu le pied blessé.

— C’est bien ! je demande ça, parce que je n’aime pas les embusqués.

— Moi non plus !

— Alors, amenez votre jeune homme ! Je trouve tout ça drôlasse ; mais la guerre rend tout le monde un peu timbré !

— Vous pouvez le dire ! On ne sait plus ce qu’on raconte. Ainsi, moi, hier matin… Enfin ! vous ne m’en voulez plus ? Vous n’avez rien dit à vot’ papa ?

— Pas encore, il est en voyage…

Prudence sentit un frisson passer au long de son dos. Le danger la menaçait encore. Il fallait donc accumuler les amabilités.

De son côté, la jeune inconnue pensait :