CHAPITRE PREMIER
— Vous vous appelez Prudence Rocaleux ?
— Oui, Madame.
— Quel âge avez-vous ?
— Celui que Madame voudra.
Mme Dilaret regarda la nouvelle domestique qui venait d’arriver sans qu’elle l’attendît. Elle constata que ce visage placide n’accusait nulle ironie, et elle vint à réfléchir que cette femme sans âge pouvait avoir raison.
— Je vous donne 50 ans, dit-elle.
Pas un muscle ne bougea dans la face de Prudence, et pas une parole ne sortit de ses lèvres. Mme Dilaret conclut qu’elle voyait juste. Elle poursuivit son interrogatoire :
— Vous savez cuisiner ?
— Dame, à mon âge, 50 ans que vous dites…
Cependant, après cette réponse sans style, la future servante pinça sa bouche et elle ajouta :
— J’aurais dû dire : je crois que ma cuisine sera au goût de Madame…
Mme Dilaret prisa cette délicatesse de ton et riposta :
— Je vois que vous avez servi dans des maisons sérieuses. Je veux espérer que nul inconvénient ne surgira du côté des repas… Êtes-vous solide ? Vous ne craignez pas d’aller au marché ?