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prudence rocaleux

plus bonne. Dans mon jeune temps, j’ savais des fables et je les récitais à des repas de noces ; mais maintenant, je ne saurais plus deux lignes. Et, c’est dommage, parce que cela plaît toujours. Ah ! je ne dis pas que cela se ferait dans le monde de Madame ; mais, par exemple, au mariage de M’sieu Jacques, je pourrais peut-être en réapprendre une. Ce mariage-là me trotte dans la tête… J’ vois déjà le beau petit ménage installé…

— Ne vous tourmentez pas à ce sujet, Prudence, l’avenir nous apportera ce que nous devons avoir.

— Faut l’aider, cet avenir, murmura la tenace servante.

Tout en parlant, ces dames effectuaient leur chemin. Elles furent sur la place Bellecour d’où l’on voyait la colline de Fourvière.

— Oh ! s’écria Prudence, sans souci des passants, en v’là une montagne devant nous ; j’avais tellement les yeux sur les boutiques, que je ne l’avais pas encore vue !

— C’est la basilique avec sa Sainte Vierge dorée. Approchons-nous un peu et vous pourrez l’admirer.

— Encore un pont à passer ! c’est toujours c’te Rhône ?

— Non, c’est la Saône, cette fois.

Quand Prudence vit de plus près la magnifique statue qui brillait au soleil, elle ne put contenir sa joie, et elle s’extasia sans modération.

— Oh ! elle me tend les bras ! c’est-y qu’elle est en vrai or ? Oh ! Madame, je voudrais aller tout contre ; et ces tours ! vous voyez ces tours, Madame ! on dirait des nids d’aigles ou de cigognes.

— Ne dites pas vos sottises si haut, Pru-