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prudence rocaleux

— C’est exact !

— Et je n’en ai parlé à âme qui vive… Cette fois, je suis sûre de mon affaire, et personne ne m’en fera démordre… Ce sont deux sorcières, aussi rouées l’une que l’autre… Et pis, Madame, ce n’est pas naturel d’avoir une aussi belle maison… Je m’y connais en meubles et arrangements… ça n’aurait pas été la peine que je soye chez des gens riches, toute ma vie, pour ne rien avoir appris… La maison vaut 100 000 francs, et le reste est à l’avenant… Je connais aussi le poinçon de l’argenterie… Cette Julie a volé, c’est couru ; mais qui a tué ?

— Vous me donnez le frisson, Prudence !

— Ah ! Madame n’en aura jamais autant que moi, quand je pensais que je dormais à côté de deux assassines… Je crois que celle qui a tué est Justine, parce qu’elle ne sent rien, dit Julie, et que, par moment, elle a un air féroce… Sa sœur n’a pas voulu égorger son patron. Elle est comme ces fermières qui ne tordent pas le cou aux volailles qu’elles ont soignées…

Mme Dilaret eut un sourire fugitif. La situation était trop grave pour s’arrêter à une gaieté, même passagère. La pauvre dame, sans être encore bien convaincue, était cependant fort troublée.

Elle estimait que le cas, bien singulier des jumelles, retiendrait l’attention de la justice, comme le disait très justement Prudence.

— Toutes les nuits, Madame, cette Julie voit son patron comme un fantôme… C’est à faire dresser les cheveux sur la tête… Elle gémit, crie — et sa sœur la calme en lui disant que si elle avait été obligée de faire son travail, ça aurait été bien autre chose !… Madame peut se douter de quel travail il s’agissait ? Tenir un pauvre vieillard au bout