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plètement inutile. Elle resta donc à sa place, continuant mollement à tricoter, tout en humant le fumet de la cuisine, qui lui parvenait par bouffées, quand la porte s’ouvrait.

Quand elle se leva de son siège, elle vit une table bien dressée, à laquelle ne manquait ni l’élégance de l’argenterie ni celle des cristaux. La nappe bien blanche se rehaussait de broderie, et les objets qu’elle supportait paraissaient d’autant plus confortables.

— Elles veulent m’éblouir, pensa Prudence.

Elle vit dans cette manifestation de luxe un désir de bonne réception, avec un peu de vanité, et elle s’empressa en compliments :

— Vous avez de bien beau linge…

— Oh ! on n’a que cette nappe en « beau », riposta vivement Justine… C’est la feue madame de Julie qui la lui a donnée. C’est juste qu’on s’en serve quand on reçoit une amie.

Les trois femmes s’assirent devant cette table tentante et… dégustèrent un potage délicieux.

Prudence, quand elle reposa la cuillère sur l’assiette, s’exclama, sans souci du protocole :

— Ce que je suis heureuse !… Avoir des amies comme vous est un bon billet de loterie… J’suis assise là, encore plus tranquille qu’une reine… Cette table, ce bon dîner…

— Attendez ! vous ne connaissez pas le menu !

— Oh ! je sens ce qui vient de la cuisine… Oui, tout cela me plaît… je me crois riche et quéquefois, oh ! pas souvent, j’aurais voulu être à la place de mes maîtres…

Elle rit en se renversant sur le dossier de sa chaise.

Elle continua :

— Naturellement, vouloir être à la place des maîtres, c’est une vilaine pensée, mais quand