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prudence rocaleux

sus !… et Mam’zelle Justine, y vient-elle quéquefois dans c’te ville ?

— Moi, jamais !… D’abord, j’aime pas la ville… et puis, Julie pouvait m’apporter ce qui me manquait… Alors, qu’est-ce que j’aurais été y perdre mon temps ? Puis, dépenser de l’argent si dur à gagner ?

— Ça c’est sûr !… moins on sort, moins on dépense… et pis, fallait économiser pour arranger c’te belle maison… C’est un rude morceau !

— C’est vrai ! appuya Justine.

Julie se leva et déclara :

— Je vais m’occuper du dîner…

Prudence et Justine devisèrent ensemble, puis, à son tour, cette dernière rejoignit sa sœur, tandis que l’hôte, un tricot aux doigts, restait seule en face du foyer aux braises étincelantes.

— Oui, elles ont de la chance ! elles ont bien travaillé, c’est certain… Elles avaient un petit bien, mais, de là à posséder une aussi chic maison, il y a du travail et de l’économie. Justine « faisait » de la volaille, des œufs et des lapins, oui, et pis un porc ou deux par an, qu’elle m’a dit, et ça rapporte, mais faut pas regarder à sa peine… Elles ont acheté un terrain et fait construire… Tout en allant, elles payaient l’entrepreneur, et Julie s’est retirée, quand tout a été prêt… Avec la petite rente que lui a léguée le pauvre monsieur et quelques économies, elles vivent. On peut se plaire ici, ça respire le riche… Mais que leur ressemblance est cocasse…

Prudence ne s’apercevait pas du temps qui passait. Ses aiguilles cliquetaient et leur chant accompagnait ses pensées.

Elle fut toute surprise quand Julie vint pour poser le couvert. Elle offrit son aide, mais son amie lui répondit que c’était com-