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prudence rocaleux

front, consciente de sa supériorité et enchantée de sa mémoire qui lui permettait de retenir les mots appropriés.

— Il dit cela, vot’ juge ?

— Oui, quand au bout de quelques semaines on n’a pas retrouvé un meurtrier, c’est qu’il a disparu… et on passe à une autre affaire… Vous pensez s’il y en a !… Maintenant, j’ suis au courant de la justice… Naturellement, y font semblant de travailler à la recherche et, de temps en temps, on arrête un homme pour contenter la famille… Mais tous ces arrêtés ont des « arribis », alors, on les relâche…

— Ils ont peut-être tort…

— On ne sait jamais…

Le thé pris, le potager visité, ces dames restèrent devant un beau feu de bois que la saison automnale nécessitait vers le déclin du jour. À travers les vitres, on distinguait un paysages d’arbres, aux feuilles prêtes à jaunir. Cependant, comme il n’y avait pas eu de gelée précoce, un peu de verdure leur enlevait l’aspect mélancolique, assez naturel en octobre.

Dans un pré, des vaches étaient immobiles. L’ombre descendait et l’heure de la traite approchait ; elles attendaient qu’on les ramenât à l’étable.

Prudence murmura :

— J’avais oublié qu’il y avait si peu de bruit… Comme ce silence est étouffant… Moi, ça me fait un peu peur. Il me semble qu’il y a des choses terribles autour de moi… Parlez un peu fort…

Les deux sœurs rirent, et leur rire ressemblait à une crécelle lointaine.

L’une dit :

— Vous manquez d’habitude, mais, demain, vous serez contente d’être ici.

— Ça se peut ! le jour, on est distrait ; mais