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prudence rocaleux

— J’ suis bien contente de vous voir là… On est si malagauche quand on sert dans une maison pour la première fois ! Quand je saurai où tout pose, je serai franche dans mon service…

— Dites donc, Eudoxie, je vais vous apprendre une nouvelle : si je recule mon départ, c’est parce que not’ jeune monsieur va se marier !…

— Oh ! oh !

— Ça va installer un peu de gaieté dans la maison… du mouvement, des allées et venues ! Je me sens toute rajeunie ! Ah ! un souffle d’amour dans une demeure, ma chère, ça devient du vent ! Tout est bousculé, gonflé, planant ! Je me crois sur une autre planète ! Il fait beau, mais y aurait de la boue par terre, que je ne la verrais pas !… Tout est doré !

— Que vous v’là excitée !… Vous seriez la fiancée que vous ne le seriez pas davantage !…

— Y ne s’agit pourtant pas de perdre la cervelle. Nous allons composer pour demain un de ces dîners à la pépère, comme disait mon défunt… Êtes-vous fine cuisinière ?

— Dame ! je m’y connais un peu…

— Je ne parle pas de ces gargottades qui ont du piment sans fond… Je parle de viande sérieuse accompagnée de riens précieux… Une galantine de volaille truffée… une croûte aux champignons, des ris de veau relevés…

— Oh ! oh ! en temps de guerre…

— Nous parlerons de la guerre après ! Aujourd’hui faut fêter des fiançailles et excursionner chez les fournisseurs pour se munir de bonnes denrées ; c’est notre devoir… Quand ce sera fini, nous repenserons à c’te guerre de misère et nous nous prive-