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prudence rocaleux

mais depuis que je sais ça, quand j’ai du temps, je prie une Sainte Vierge blanche, et quand je n’ai qu’un moment, je galope devant une noire.

Cette fois, Mme Dilaret ne se retint plus. Elle éclata d’un rire si épanoui que Prudence la contempla avec sévérité.

— Ben, vrai ! prononça-t-elle, Madame rit encore mieux que ma pauvre ancienne Madame ; c’est tout de même désolant que je porte au rire de cette façon-là, moi qui « est » si sérieuse, si convenable.

— Oui… oui… bégayait Mme Dilaret, laissez-moi… je… je… vais m’habiller pour sortir.

— Madame, Madame ! murmura la domestique effarée, vous allez vous rendre malade, j’ai connu une dame qui en est morte… ses boyaux se sont tortillés, j’aurais dû dire « ses entrailles », ça veut dire boyaux en distingué.

Mme Dilaret lui imposa silence de ses deux mains jetées en avant.

Consternée devant cet accès d’hilarité, Prudence continuait de regarder, en se contentant de hocher la tête. Enfin, la pauvre dame se calma et, enfoncée dans un fauteuil, elle reprenait sa respiration, tout en tamponnant ses yeux pleins de larmes.

— Ah ! Prudence, put-elle dire enfin, combien vous m’avez amusée… Il y a des années que je n’ai pas ri d’aussi bon cœur…

— Je ne conseille pas Madame de recommencer. Je suis sûre que demain les côtes de Madame lui feront un mal ! il n’y a pas de bon sens de se mettre dans des états de rire pareils ! maintenant que Madame est calée de nouveau dans son sérieux, est-ce que je peux encore lui poser une question avant que nous allions en ville ?