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prudence rocaleux

Quand elle revint, une heure après, son humeur était encore joyeuse. Elle avait prévenu les fournisseurs qu’elle aurait une remplaçante, et on lui avait souhaité de bonnes vacances.

Dans la cuisine, elle détaillait le compte de ses achats en se parlant comme d’habitude.

— La salade a renchéri, et on se demande pour quelle cause… Il y a une hausse sur le veau et sur le lapin… Ces betteraves sont bien dures, je suis sûre de les avoir choisies plus cuites, mais y vous refilent leurs rogatons sans qu’on y voie…

Un coup de sonnette retentit et interrompit ce soliloque. Quand Prudence ouvrit, elle se trouva en présence d’un agent de police. Elle faillit s’évanouir d’épouvante.

— Non… Mon… Monsieur le commis… saire ! bégaya-t-elle dans un bêlement.

Pour l’apitoyer, elle exagérait son grade.

— C’est Mâme Prudence Rocaleux ?

— C’est bien elle… vu que je m’appelle comme ça… je ne peux pas me dédire…

— Oui… je vous reconnais ! Vous étiez bien au parc, où l’on vous a pris un enfant dans vos bras ?

— Ouiii… Monsieur le commissaire… mais y n’y avait pas de ma faute… c’te femme me l’a arraché comme une furie, et si on avait été des siamois, le bébé et moi, on aurait été déchirés. Y a pas plus brutal que cette femme, cette voleuse, cette propre à rien… Moi, j’ suis une honnête personne… Pas un vol dans ma vie, même chez mes patrons… Pas une épingle… vous m’entendez, Monsieur le commissaire ! Et maintenant ayez le courage de m’arrêter…

— M’est avis, ma bonne femme, que vous avez perdu la tête… et…

— Non, je l’ai solide et, avec tous mes