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prudence rocaleux

pris. Tout ce que je puis dire à Madame, c’est que les dames qui sont dans un fauteuil et qui empêchent leur malheureuse domestique de s’asseoir en face d’elles sont des distinguées. Tout me chante que Madame est de cette espèce-là ! N’en parlons donc plus, je connais la vie, c’est comme ça et pas autrement.

Mme Dilaret retenait son rire, le langage de Prudence lui paraissait tellement imagé, qu’elle hésitait à s’en divertir devant elle, craignant de la rendre plus familière et sur tout insupportable.

Revenant à la première idée de sa domestique, elle y répondit donc :

— Je sortirai plus tôt cet après-midi, afin de vous initier un peu à la ville, ou tout au moins aux alentours de la maison.

— Bien, Madame. Je puis demander quelque chose à Madame ? Oui ? Bon. Y paraît qu’il y a une belle Sainte Vierge, ici… Notre-Dame de la Fourière ?

— … de Fourvière !…

— Bon ! Je voudrais aller la voir. On m’a dit que c’était un pèlerinage. Je lui mettrai un cierge. J’ai de la piété et on me couperait le cou, plutôt que de me faire manquer ma Messe du dimanche. Je me souviens maintenant d’avoir entendu parler de cette bonne Dame. C’est comme un nuage qui passe dans ma tête. Aïe ! il s’envole ! tant pis ! tant pis ! Le voici qui revient !… je le tiens ! Elle est noire, cette Sainte Vierge, oui, c’est ça ! Ah ! voilà un mystère pour moi. Les bonnes Dames blanches et les bonnes Dames noires ! ça me fait penser aux notes de musique. Mon ancienne patronne me disait que les blanches et les noires avaient quelquefois le même son, mais que les blanches chantaient plus que les autres. Je n’ai pas très bien compris,