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mais je les garde. Aujourd’hui, c’est pas comme les autres fois, je ne veux pas qu’une mère soit négligée. Eh ben ! vot’ fils m’a dit : « Prudence, j’ai rencontré une belle jeune fille… elle a une figure comme une Sainte Vierge, avec des cheveux noirs et des yeux dorés. Elle est grande, et elle marche comme sur des nuages… Elle m’a souri et je lui ai souri, et elle m’a dit en baissant les yeux : « Les mariages sont écrits au ciel ! », puis elle a disparu, et je suis resté fou d’amour… Prudence, vous qui savez trouver les assassins, pouvez-vous retrouver cette belle jeune fille ? » Voilà, Madame, ce que m’a confié M’sieu Jacques. Vous voyez que c’est du grave… C’est sûrement une personne qui doit être dans les plus comme il faut. Faudra donc que je la retrouve, et je crois que ça sera facile…

Mme Dilaret était plongée dans l’ahurissement le plus profond. Ce langage ne ressemblait guère à celui de son fils, et elle s’étonnait qu’il pût se livrer à de si bizarres confidences, surtout à Prudence. Puis, son fils en son aspect ne lui paraissait nullement atteint par des flèches aussi meurtrières. Elle se promit de l’interroger. Il lui venait à l’idée que c’était une facétie.

Prudence respectait le silence de sa patronne, tout en savourant le plaisir d’avoir été favorisée. Elle pensa pourtant que c’était un coup rude pour cette mère, et elle voulut pallier cette impression.

— Que Madame ne se désole pas… il faut s’attendre à tout dans c’te vie… Les garçons sont quéquefois gênés de raconter à leur maman que l’amour vient de leur pousser par surprise… Y sont honteux, vous comprenez, Madame, et plus timides que des jeunes filles… On croit qu’un garçon, c’est hardi, eh