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respectives. Mme Dilaret resta dans son studio. Elle se complaisait à ces moments de tranquillité où elle tirait l’aiguille ou tricotait. Ce jour-là, des réflexions sur sa nouvelle domestique absorbaient ses pensées. Elle se disait que cette Prudence était entrée chez elle, en pays conquis, et qu’elle n’avait pas eu le loisir de l’hésitation, « Me voici… Quel est le menu ?… Où est la cuisine ? » et Prudence était installée.

Il y avait un point d’acquis : ce qu’elle présentait comme plat était soigné, et le style convenable. Quand on veut se contenter d’une seule aide, il ne faut pas se montrer exigeant, et quand le sort vous favorise en vous envoyant une personne de bonne volonté, il faut lui en être reconnaissant.

Les Dilaret possédaient une fortune qui leur permettait d’avoir plus de personnel, mais par déférence pour les pauvres malheureux et les réfugiés abrités à Lyon, ils préféraient se priver sous ce rapport et donner cet argent aux œuvres de guerre.

Mme Dilaret, de forte santé, s’occupait du ménage, ce qui remplaçait sa culture physique.

Tout en réfléchissant et travaillant, elle entendait, du côté de l’office, les résonances des casseroles et des couverts. Elle augurait que Prudence procédait à des rangements, et elle louait son zèle.

Cependant, elle essayait de brider ses illusions. Combien de fois avait-elle assisté à des débuts pleins de promesses, qui, malheureusement, ne s’étaient jamais réalisés.

— Parfois, la chance peut tourner, murmura-t-elle avec espoir.

Prudence frappa :

— Je connais la route du boucher, du boulanger et celle de l’épicier… mais cela ne