Page:Fiel - Prudence Rocaleux, 1945.pdf/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
prudence rocaleux

d’un malade, d’apporter des provisions aux mères chargées de famille.

Et, cependant, celles qui s’affairaient à ces soins portaient des cheveux bouclés et accentuaient les roses de leurs joues et le carmin de leurs lèvres.

Mme Dilaret ne leur en voulait pas du tout de cet excès de zèle à forcer la nature. L’essentiel pour elle était que ce fût fait avec discrétion, et que leur cœur restât généreux.

Bien des mères timorées eussent poussé les hauts cris si Mme Dilaret eût divulgué son indulgence ; mais elle se gardait de la proclamer.

Prudence fut quelque peu absorbée durant les semaines qui suivirent, mais sa maîtresse s’abstint de la questionner, de peur de ne plus sortir des explications.

Jacques essayait des compliments et des taquineries ; mais rien ne réussissait.

Un soir, il se dirigea vers l’office et, voyant la domestique accablée sur une chaise, il s’écria :

— Ma pauvre Prudence, vos amours sont-elles malheureuses ?

— Ah ! M’sieu Jacques, y ne s’agit plus d’amour… et pour être franche, je ne voudrais même pas revenir en arrière. J’étais belle, et bien des hommes m’ont fait la cour ; et c’est plutôt désobligeant, quand on est une honnête femme. J’avais bien des attraits, et je m’en suis aperçue trop tard… Quand j’étais jeune fille, je me croyais laide, et cela me rendait timide. Mais quand j’ai été plus avisée, j’ai compris que je montrais une peau blanche, de beaux cheveux, une taille ronde, et des yeux !… ah ! mes yeux !… J’ai découvert tout ça, parce que les camarades de mon mari me le disaient. Il y en a même un que j’ai dû