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doute, s’était trompé dans quelque opération bancaire et le résultat avait été néfaste. À tout le monde, il peut arriver de mal jouer. Aubrine ne cherchait pas à approfondir. Un vent de fatalisme soufflait, mais l’optimisme l’emportait. Ce qui l’ennuyait, c’était de ne pas retourner à Lyon. Elle eût aimé parler de ce changement avec des amies. Mais la chose s’avérait impossible. Trois jours, ce n’était pas trop pour faire les malles.

Elle éprouva le besoin de s’aérer un peu et elle se sauva sans avertir, pour se promener dans un petit bois… Voir Paris ! cette idée la portait… Quant à gagner sa vie, elle n’y songeait encore qu’en riant, car elle se jugeait incapable de faire quoi que ce fût.

Alors qu’elle cheminait doucement dans un sous-bois calme et odorant, elle rencontra un camarade, fils d’un châtelain des environs.

— Tiens ! nous avons eu la même idée : respirer le parfum des feuilles mortes, s’exclama Aubrine.

— Vous sembliez rêver tout en comptant vos pas.

— La marche lente convient aux pensées graves. Savez-vous de quoi mon esprit s’occupait ?

— D’un prochain pique-nique ?

— Pas du tout ! je me demandais à quelle situation je pourrais prétendre si je devenais pauvre ?

— Oh ! là… quelle sombre perspective ! Vous êtes tout à fait folle, ma pauvre amie…

— Répondez donc à ma question.

— Eh ! bien… je saurais plutôt ce que vous ne pourriez pas assumer… Un poste de secrétaire ne serait pas de votre ressort, par exemple, car votre orthographe est bien fantaisiste.

— Comment le savez-vous ?

— J’ai lu une lettre que vous avez adressée à ma sœur.

— Tout s’explique ! répondit Aubrine en riant. Eh ! bien, je piocherai ma grammaire !

Ce sujet fut abandonné pour aborder celui des plaisirs futurs de l’hiver, quand Aubrine déclara :

— Vous ne me verrez pas… dans trois jours nous partons pour Paris

— Pour tout l’hiver ? Ce sera mortel pour moi !

— Que vous êtes aimable !

— Je suis surtout sincère.

Aubrine ne répondit pas. Elle pensait à part soi : il ne se doute guère de la situation, et ce n’est pas la peine de la lui révéler… les mauvaises nouvelles vont toujours assez vite.

Le jeune voisin, qui s’appelait Marc Olgy, ajouta d’un air affectueux et inquiet :