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cherons un logement, non un appartement, mais un logement avec escalier sans tapis et trois logis par étage.

— On ! oh ! quelle perspective !

— Cela ne durera pas longtemps…

— Ce sera presque amusant… Je consens, je ne m’ennuierai pas… j’aurai les bibliothèques, les libraires et les antiquaires… Je suis sûr de trouver toujours un bon dîner en rentrant. Je ris un peu en imaginant la tête de notre petite princesse.

— Moi aussi ! Ce sera peut-être cruel, mais certainement salutaire.

— On ne sait jamais !

Les deux époux arrêtèrent là leur conversation qui tournait au complot.

Leur été se passa dans un château qu’ils possédaient dans l’Ain et Aubrine y poursuivit son existence de désœuvrée où l’indifférence dominait. Elle se réveillait pour recevoir des amis ou pour se rendre dans quelque château du voisinage où elle retrouvait la bande accoutumée.

Une circonstance l’étonnait : c’est que sa mère ne lui reprochait plus son inaction, elle se disait : maman s’assagit… elle sait que ses discours sont inutiles, elle me laisse libre et elle a raison.

Pourtant, elle trouvait à sa mère une ombre mélancolique et se demandait à quoi l’attribuer.

Son père, d’ailleurs, paraissait soucieux lui aussi.

Puis, elle ne chercha plus. Chacun a ses ennuis.

L’été passa dans cette ambiance et septembre arriva, quand Aubrine constata, non sans surprise, que l’on ne parlait pas de départ pour la Sologne où son père possédait des chasses.

Cependant, elle ne posa nulle question.

Un soir, après dîner, M. Vital dit, en présence de sa femme :

— Ma chère petite fille, j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer. Je suis ruiné, je n’ai plus d’usine et plus de château… et tu n’as plus de dot. Il nous reste de quoi vivre petitement. Au lieu de rentrer à Lyon, nous allons partir directement pour Paris. J’y trouverai sans doute une situation. Tu chercheras toi-même une occupation et nous nous referons une autre vie.

Aubrine écouta cette communication sans qu’un muscle de son visage tressaillit, et, quand son père se tut, elle se contenta de regarder sa mère.

Celle-ci penchait la tête sur un ouvrage à l’aiguille et la jeune fille murmura :