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— Tu as raison… Pourquoi s’abîmer les yeux ? Nous devons rester jolies pour nos futurs époux… cela remplacera nos qualités.

Ainsi bavardant et absolvant leur indolence, les deux jeunes filles savouraient leur thé.

Elles se voyaient à peu près tous les jours, en attendant les mois chauds où chacune suivrait ses parents dans une ville d’été, soit à la montagne ou à la mer.

Aubrine rentra chez elle. Sa mère était sortie. Elle gagna sa chambre, déplaça des bibelots, prit un livre et se blottit dans un fauteuil.

Alors qu’elle lisait, une femme de chambre survint.

— Oh ! pardon, je ne savais pas mademoiselle ici…

— Cela n’a aucune importance… Que vouliez-vous ?

— Mademoiselle m’a dit qu’il y avait un point à faire à son corsage blanc ?

— Oui, prenez-le.

La femme de chambre, à pas silencieux, chercha l’objet et l’emporta. La réparation consistait en une couture décousue sur un espace de cinq centimètres, à peu près. Aubrine n’eût jamais songé à y pourvoir. Elle était servie dans les plus petits détails et n’aurait pas pensé à se donner quelque peine.

Sa mère, au contraire, bien qu’ayant toujours vécu dans le luxe, éprouvait le besoin d’activité. Elle blâmait la nonchalance de sa fille et la trouvait coupable. Dans les moments de ses fortes révoltes, elle souhaitait la ruine afin qu’Aubrine fut obligée de travailler.

Un jour, n’en pouvant plus de voir sa fille errer dans la maison d’un fauteuil à l’autre, elle dit à son mari :

— Vous savez, mon ami, que j’en ai assez de voir Aubrine aussi paresseuse ? Elle m’épouvante. Elle est indifférente à tout ce que je lui suggère. Pas le moindre effort, si ce n’est pour son tennis ou sa danse et, l’été, ses bains de mer. Je ne puis plus supporter cela, j’en suis honteuse. Les autres mères ont l’air de se moquer de moi, à part mon amie Rillat, qui a, comme fille, le même numéro que le mien.

— Ma chère femme, vous me semblez fort excitée. Je n’ai qu’un moyen… l’hyménée pour notre fille.

— Mais notre gendre nous fera des reproches au bout de quinze jours !

— Vous croyez ? Avec la gentil visage d’Aubrine et sa grosse dot ?

— Tout cela ne tiendra pas devant la colère d’un homme dans certaines circonstances. Supposez que ce monsieur soit pris d’un malaise… Aubrine le regardera souffrir en attendant que cela passe ! Puis, devant la demande de secours de son