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elle entamait la conversation. Ce sourire enivrait Roger.

Aubrine constatait chaque fois les progrès que l’amour faisait dans le cœur, et elle ressentait pour lui une attirance toujours plus grande.

À ses parents, elle ne parlait plus de lui. Ainsi l’inquiétude de Mme Vital s’assoupissait. Elle voyait sa fille toujours plus experte dans les travaux de l’intérieur, comme si cette ruine simulée avait tout à coup fait lever une moisson d’aptitudes.

Si Aubrine ne parlait plus à ses parents de leur voisin, ce dernier ne pouvait taire à sa mère le bonheur qui l’inondait. Elle écoutait sans plaisir son fils qui lui vantait les qualités de la jeune fille.

— À quoi cela te conduira-t-il, mon pauvre enfant ?

— À nous marier ! répliqua Roger avec assurance.

Mme Ritard hocha la tête.

— Tu en doutes ?

D’une voix mal assurée, Mme Ritard répondit :

— Je ne sais pourquoi je sens un mystère chez ces personnes. J’ai causé ces jours derniers avec Mme Vital et elle m’a semblé une vraie dame. Elle ressemble à la châtelaine de mon pays. Sa conversation n’est pas pareille à la nôtre… j’ai un peu peur d’elle…

Roger n’avoua pas qu’il éprouvait les mêmes impressions, mais il se disait avec raison qu’Aubrine savait ce qu’elle faisait. Elle ne l’encouragerait pas si elle trouvait que leur mariage était impossible.

Il n’aimait pas voir sa mère dans ces dispositions et, hanté lui-même par le doute, il se résolut à assurer le dénouement.

Rencontrant Aubrine un samedi soir, il lui demanda timidement si elle consentirait à faire quelques pas avec lui ayant à lui parler gravement.

Elle accepta tout de suite. Ce n’était pas la première fois qu’elle serait en compagnie d’un jeune homme. Les mœurs actuelles ont libéré la jeunesse de ces préjugés, estimés surannés.

D’ailleurs, elle avait un penchant pour Roger et envisageait sans déplaisir une union avec lui. Elle le jugeait doué et susceptible de se transformer. Déjà, elle le voyait moins peuple… Peut-être n’était-ce qu’une constatation illusoire… N’était-ce pas plutôt elle qui s’habituait à un autre monde ? Elle ne cherchait pas à comprendre.

Leur rendez-vous était pour le lendemain dimanche et ils choisirent le Jardin des Plantes comme but.

Il y avait foule, bien que le mois d’avril déversât de temps à autre une averse de grésil annoncée par un rayon de soleil.

Roger, la gorge serrée, put enfin parler :