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— Nous rentrons en même temps. Vous voyez que je suis chargé de livres… Je reviens du patronage, qui est dirigé par un prêtre très gentil. Ordinairement, je m’attarde avec lui, mais, aujourd’hui, il était souffrant et je ne l’ai pas vu.

— Ce qui nous permet de nous rejoindre au but, acheva Aubrine avec son sourire, dont elle ne soupçonnait pas autant le charme.

Habituée au langage franc avec ses compagnons mondains, elle employait le même avec Roger, ne se doutant pas que celui-ci prenait à la lettre ses paroles, alors que ses anciens camarades n’eussent vu là que des phrases sans conséquence. Roger, heureux, pensa que la jeune fille était ravie de le revoir et une joie l’inonda…

Se pouvait-il qu’il lui plût ?

Ils montèrent les étages tout en bavardant et, arrivés devant leurs logis respectifs, Aubrine dit :

— Vous entrez avec moi ? Vous verrez mes parents, qui connaîtront ainsi leur voisin.

Rien ne pouvait mieux aller au cœur de Roger.

Il suivit la jeune fille et vit dans la salle à manger-salon Mme Vital qui lisait et M. Vital qui écrivait.

Ils furent quelque peu surpris de l’intrusion du jeune homme, mais ils devinèrent tout de suite qu’il était l’adorateur de leur fille.

Leur amabilité fut parfaite parce qu’ils étaient affables et que leur habitude du monde leur donnait un vernis dont Roger n’avait aucune idée.

Il se trouva accueilli comme un ami, sans soupçonner la mondanité de cette réception. Il en fut touché, et, toujours guidé par les romans qu’il avait lus, il se figura qu’Aubrine avait parlé de lui en termes flatteurs. Il en ressentit une émotion joyeuse qui lui donna plus d’assurance. Aubrine se dépensait en paroles, car elle voyait que sa mère n’appréciait pas cette visite. M. Vital gardait son ton un peu ironique, non remarqué par le visiteur. Roger ne s’apercevait pas de ces nuances. Il n’était pas accoutumé aux dehors factices et, se voyant reçu avec amabilité, il se figurait que l’accueil était sans réticences. Il nageait dans le bleu.

Une ivresse lui montait à la tête et ses regards, qu’il ne pouvait plus contrôler, fusaient vers Aubrine comme un encens.

Il rentra chez lui, ayant chaud au cœur et, à sa mère tremblante, il cria :

— Je l’aime ! c’est une jeune fille incomparable ! Si tu savais combien elle est gentille avec ses parents… pas un mot désagréable… des « maman chérie », des « père mignon ». Jamais