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veurs. Une sympathie irrésistible la portait vers cet inconnu… Un trouble l’effleura, mais elle le chassa vite en s’écriant :

— Je vais vous laisser… je vois que je retarde la promenade de votre fils, chère madame… Puis, je dois sortir avec mes parents.

Elle se sauva, après avoir serré la main de la mère et du fils.

Quand elle fut partie, Roger regarda sa mère :

— Elle est joliment attirante, murmura-t-il.

— Roger… Roger… tu ne vas pas t’éprendre d’elle, n’est-ce pas ? Nous ne la connaissons pas… Tu vois, elle n’est pas timide… elle a peut-être eu des aventures…

— Avec un regard si franc ! s’emporta Roger, qui se croyait déjà le droit de défendre celle qui lui plaisait.

— Mon Dieu, soupira la mère… ton heure est donc venue… pourvu que tu ne sois pas malheureux… Ah ! si je savais qui sont les parents de cette jeune fille… je serais un peu rassurée.

— Ses parents seraient-ils des bandits que cela ne m’empêcherait pas de trouver leur fille à mon goût.

Mme Ritard se tut, et Roger, sur une chaise, rêvait…

— Tu ne sors pas ? s’inquiéta-t-elle.

— Je n’en ai plus envie.

Ses yeux erraient sur les choses sans les voir. Déjà une présence lui manquait. Il s’étonnait que l’amour fut entré ainsi dans son cœur. Il avait cru que ce serait une infiltration lente et tout à coup, mais non… « Elle » était apparue comme un éclair pour imprimer son image dans son cœur.

— Maman… tu crois qu’elle voudra de moi ?

La voix était si tendre, si implorante et angoissée que la pauvre mère crut que les larmes suivraient.

— Mais oui, mon petit. Quelle jeune fille ne voudrait pas d’un jeune homme comme toi, si sérieux !

— Ah ! que je voudrais être autre chose qu’un ouvrier !…

— Ne dis pas de sottises, mon petit. Il faut vivre où l’on a vécu… Tu as trop lu et tu déformes la vie. Cette jeune fille, ouvrière elle-même, sera bien heureuse de trouver un mari… Si elle a un peu de bon sens, elle devinera ce que tu vaux.

Roger se redressa et dit :

— Je vais tout de même sortir… cela me fera du bien. Puis, je passerai au patronage chercher quelques livres. J’aime causer avec le directeur… c’est lui qui m’apprend à parler correctement.

Et Roger s’en alla.


Aubrine, de son côté, disait à ses parents :

— J’ai fait la connaissance de Roger Ritard… C’est un jeune