Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cherchais une phrase pour arrêter l’impudence de cet homme. J’ignorais encore qu’une femme traite d’impudent celui qu’elle n’aime pas et que, de la part de celui qu’elle aime, les mêmes paroles découvrent un horizon de bonheur.

Je parvins à bégayer :

— Je ne veux plus rien écouter… Votre… votre attitude est inadmissible.

— Oh ! Mademoiselle, ne serez-vous pas indulgente pour un homme subjugué par votre charme ?

Je reprenais ma présence d’esprit, et, d’un ton hautain, je répétai :

— Monsieur, ne persistez pas dans cette conduite, elle est très incorrecte et me déplaît beaucoup…

Son visage changea subitement. De suppliant, il m’apparut dur, cruel. Ses yeux brillaient comme de la braise, et sa bouche, dans un rictus qui m’effraya, prononça :

— Est-ce donc le sort de mon oncle et le mien d’être joués par Mlle  Carade et son père ? Vous le regretterez, vous aussi, de faire fi de mon amour…

Rapide comme un éclair, mon esprit perçut le piège. Deux vengeances aboutiraient par mon manque de clairvoyance. Moi qui pensais tant aux chers miens, en me disant qu’aucun sacrifice ne m’aurait coûté, je venais de la trahir.

Je faillis m’évanouir de terreur en découvrant la réalité. Cet homme me proposait un marché, et je me jugeais soudain responsable et assez forte pour traiter. Il ne me venait pas une minute à l’idée que je devais révéler ces