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sait. Vous avez bien compris… Il y a quelques semaines déjà que j’essaye de vous joindre. Je vous ai suivie sans que vous vous en doutiez, et, un jour, je n’ai pu me retenir de vous aborder, pour voir votre regard en face de moi.

— Monsieur !

J’avais prononcé ce mot d’une façon si exaspérée, si violente, que l’on pouvait aisément entendre :

— Taisez-vous !

Cet inconnu me terrifiait. Tout à coup, j’éprouvais une aversion grandissante pour lui, et le désir de fuir m’envahit. Mais j’étais dans un jardin que des promeneurs parcouraient et je ne pouvais me donner en spectacle. Je craignais le scandale, j’attachais de l’importance à l’opinion, c’est pourquoi, dans mon affreuse impression de solitude morale, je ne me sauvai pas. Je remarquai aussi que mon compagnon eût désiré attirer l’attention sur nous.

— Ne soyez pas indignée… Vous devez savoir que l’amour est un maître et que, si je parle ainsi, c’est que je suis sous l’empire de votre beauté.

C’étaient les premières paroles d’amour que j’entendais, et elles me glacèrent. Je pensais parfois à une tendresse partagée, moi qui affirmait ne pas vouloir me marier, mais c’était justement parce que je rêvais d’une affection si haute qu’elle me semblait impossible à rencontrer.

Les paroles que je percevais là n’entraient pas dans mon cœur. C’était sans doute parce que je ne les dédirais pas qu’elles me choquaient.

Je restais suffoquée par la surprise et je