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— Je le sais, mon oncle n’a pas réfléchi, mais c’est un homme qui n’aime pas avoir tort, et il cherchera, jusqu’à ce qu’il la trouve, la paille sur laquelle votre père glissera.

J’étais trop jeune et trop peu expérimentée pour percevoir l’exagération de ces paroles. L’épouvante m’encerclait. Tout le passé si beau de papa, qui était sa défense et sa force, ne m’apparaissait plus que comme négligeable, je n’envisageais plus que la chute. Je ne m’imaginais pas comment elle pourrait se produire, il me suffisait de la craindre.

Je tremblais. L’inconnu s’aperçut de mon trouble, et sa voix changea pour murmurer :

— Je suis désolé, Mademoiselle, de vous initier à de telles laideurs.

Cette phrase qui, je le crois, s’inspirait de pitié pour moi, n’augmenta pas ma sympathie pour lui. Je me vis humiliée, et mon aversion égalait mon désespoir.

Une seule idée grandissait en moi : cacher ces faits à mon entourage, afin de ne pas la tourmenter. En les révélant, j’avais peur d’attirer la colère de cet entrepreneur.

Je répliquai, non sans amertume :

— Je ne suis pas surprise de me heurter à de tels sentiments, mais épiloguer sur ces tristesses ne sert à rien. Ce qu’il faut, c’est y remédier, et je ferai tout pour préserver mon père de l’animosité de votre oncle.

Une lueur brilla dans les yeux de mon interlocuteur.

Je crus même surprendre un sourire sur ses lèvres, mais mon agitation était si grande que je ne pouvais rien affirmer.