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— Nous pensâmes à nous asseoir à table, et le repas fut admirable d’entente et de gaieté. Pourtant, un regret me venait par intermittences en songeant à Robert Darèle. À un de ces moments-là, ma mère me dit, en pleine table :

— Mais… tu vas pouvoir épouser Robert.

Je rougis violemment, parce que je me demandais s’il voudrait encore de moi, après les refus réitérés que je lui avais opposés.

Je répondis avec la plus entière sincérité :

— Renouvellera-t-il sa demande ? Je lui ai tant dit que je ne l’aimais pas.

— Et l’aimes-tu un peu ? interrogea maman.

— Oh ! depuis longtemps !

Ma spontanéité excita le rire de tous.

— Et tu allais négliger ce sentiment-là pour te lancer dans une aventure affreuse ! clama Léo. Mais c’était de la démence pure !

— Je ne pensais qu’à papa, murmurai-je, prête à sangloter.

— Il faudra l’enfermer… C’est un danger pour la famille, dit Vincent avec une conviction bien jouée.

— Quelle stoïque petite fille ! murmura papa.

Nous retournâmes au salon, car, malgré tout, nous nous demandions si Jean Gouve et son oncle allaient venir. Ces gens audacieux, sans autres sentiments que ceux de la cupidité, n’ont aucun respect humain. Leur manque d’éducation les rend frondeurs, et ils s’imaginent que leur aplomb leur donne une envergure de grand personnage.

J’étais anxieuse, et, machinalement, j’écoutais les bruits de l’antichambre.

— N’aie pas peur, me dit Léo, qui me devinait, ce Gouve ne se présentera pas. Il m’a