Page:Fiel - Mon erreur, paru dans La Croix du 22 mai au 14 juillet 1949.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pourquoi pas ? Berthe Durand est une jeune fille charmante, jolie et digne…

— Mais elle n’est pas de notre monde ! m’écriai-je, frémissante.

— Voilà le grand mot prononcé. Voudrais-tu réfléchir ? Voici une jeune fille dont les parents sont modestes, mais qui possède des qualités de cœur et de droiture indéniables. Leur fille unique est douée de dons précieux, auréolés d’une distinction que chacun se plaît à reconnaître. Pourquoi jeter l’anathème sur un mariage qui plaît à Léo ? Sont-ce ses parents qui se marient ou lui ? Il a choisi une femme qu’il croit capable de faire son bonheur, et pourquoi contrecarrer son inclination ? On ne peut rien reprocher à cette jeune fille…

J’étais stupide d’étonnement. Je sentais que Vincent parlait avec réflexion. Certainement, il avait dû beaucoup penser à ces choses et les avait adoptées. Quand on l’écoutait, on ne songeait nullement à une mésalliance, mais à un choix mûri.

Je tentai de reprendre pied.

— Tes raisonnements ne manquent pas de logique ; cependant, il y reste des points sombres. Léo ne sera pas heureux, parce que sa femme n’aura pas l’accueil que l’on doit à l’épouse de notre frère.

— Quand tout le monde aura reconnu ses qualités, son maintien réservé, elle fera vite partie des dames de notre milieu. Le cœur et l’intelligence sont aussi des titres.

Que Vincent paraissait changé, si sérieux, si profond ! Je ne reconnaissais plus en lui cette insouciance souriante que nos parents déploraient parfois.