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voyais, le contentement rayonnait sur tous les fronts.

Maman, en me voyant, eut des traits subitement anxieux, parce qu’elle se rappelait mes réflexions ridicules. Elle sembla rassérénée en me découvrant comme à l’ordinaire, mais plusieurs fois je sentis ses regards s’appesantir sur moi avec inquiétude. Je m’efforçai à la gaieté, comme s’il ne restait plus trace de mes idioties de la veille.

Mes frères se rendirent à leurs occupations et mon père sortit en même temps qu’eux. Alors que je prenais ma tasse de chocolat, maman vint à moi et m’embrassa :

— Ma petite fille est revenue à son état normal.

— Ton canard, veux-tu dire !…

— Oh ! je ne pense plus à ces paradoxes d’hier. Je sais que les jeunes modernes aiment scandaliser leurs familles. Tout cela, ce sont des fumées qui s’échappent de leur jeunesse. Je sais trop combien ma fille est pondérée.

Je bus quelques gorgées pour me donner une contenance. Ce petit discours qui cachait un sermon ne devait pas avoir de prise sur moi. J’obéissais aux circonstances.

Le déjeuner de midi se passa presque exclusivement à chanter les louanges de Berthe.

Maman vantait sa distinction et son goût, et, tout en parlant, elle me regardait. Je savais ce que ses yeux signifiaient : « Ma fille ne sera pas autrement que ma belle-fille, elle choisira un mari bien élevé. »