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marane la passionnée

Cependant, cette manifestation de mépris eut le don de le galvaniser. Il se permit de crier :

— Ah ! si j’avais quelque empire sur vous, je vous aurais fait séquestrer depuis longtemps !

— Monsieur, intervint ma mère, ne prenez pas à partie cette enfant. Que l’entretien reste strictement entre nous.

Sa parole était ferme. Elle poursuivit :

— Je vous ai donné déjà ma réponse. Je ne veux pas me remarier.

Maman n’avait plus l’air exaspéré qu’elle avait eu à la première tentative de Chanteux. La surprise était passée. Elle était préparée à la lutte et usait de ses armes tranquillement afin de calmer la brute qui voulait la réduire.

Je m’étais recroquevillée dans mon fauteuil, prête à bondir sur Chanteux.

J’avais lu des romans trouvés dans le grenier, mais jamais je n’y avais découvert des scènes comme celle que nous vivions ! Je croyais que le monde aimait la paix, mais je remarquais que la guerre venait toujours d’un être damné qui dissolvait la tranquillité.

Le régisseur éleva la voix pour dire :

— Vous y viendrez !

Puis, sans saluer, tournant les talons, il sortit, ne modérant ni sa marche bruyante, ni la fermeture de la porte.

Je regardai ma mère.

Courbée en deux sur son siège, les larmes sillonnaient ses joues.

— Où en suis-je donc arrivée ? gémit-elle en se tordant les mains.

Je me précipitai à ses genoux.

— Ne pleure pas, tout s’arrangera, maman, le bon Dieu nous épargnera la misère et nous préservera de Chanteux.

— Ah ! que faut-il faire ? Quelle alternative ! La ruine ou… Chanteux.

Maman poussa un soupir et s’évanouit.

Jamais je ne l’avais vue ainsi et je la crus morte.

Je criai :

— Maman ! maman !

Je courus chercher Jeannic qui l’aspergea d’eau de Cologne.