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marane la passionnée

vie pleine d’embûches et de ruses. Ah ! que je voudrais le connaître !

— Il est probable que tu ne le verras pas de si tôt : ma cousine de Jilique ne nous invite pas à nous rendre au mariage de sa fille. Là encore, tu as agi trop brutalement. C’est une porte qui te sera fermée.

— Plus que jamais, je voudrais connaître ce monsieur, parce que je suis sûre que Jeanne se moquera de ma pauvre amitié. De quoi aurai-je l’air !

J’éclatai brusquement en sanglots, comme si ma « pauvre amitié » était une personne m’inspirant la plus profonde pitié.

— Oh ! gémit maman, que tu es fatigante ! Je n’ai pas assez de ce brouillard maussade, de ce froid extérieur, de mes soucis. Il faut encore que j’aie une fille qui ne veut obéir qu’à ses impulsions, au lieu d’être pondérée, attentive et s’occupant de travaux intéressants.

— Je connais l’antienne ! m’écriai-je sans ménagement. Mais ce n’est pas ce sot mariage qui m’incitera à me perfectionner. Jeanne, qui ne mérite pas son bonheur, se marie ! Alors que moi, si franche, si sincère, si bonne, je n’ai pas le moindre fiancé en vue !

— Sois un peu plus modeste, je t’en prie. Tu es la seule à te trouver ces belles qualités. Puis, qui te dit que Jeanne sera heureuse ? Elle se marie, c’est tout. Son fiancé n’est peut-être pas du tout séduisant, et il est possible qu’il te déplaise.

Ces paroles orientèrent mon esprit vers d’autres horizons. Maman voyait peut-être juste, sauf sur mes qualités que je savais être réelles.

Alors, mon imagination, plus rapide que le vent le plus impétueux, évoqua un M. de Nadière hirsute, tyrannique et sans charmes.

— C’est bien fait ! criai-je soudain en sautant sur mes pieds joints.

— Qu’est-ce qui est bien fait, demanda maman.

— Que ce fiancé ne soit pas agréable et qu’il ne rende pas Jeanne de  Jilique heureuse ; elle ne l’a pas mérité.

— Quelle imagination ! Tu ne sais rien. Puis, sois plus