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marane la passionnée

Ma mère avait fait un effort violent, et elle retomba épuisée sur la chaise-longue où elle s’était assise.

Nous étions exaspérées toutes les deux. Je devinais que maman était lasse de cette attente qu’elle subissait depuis des années.

Je lançai :

— Eh bien ! je me marierai de bonne heure avec un homme qui saura gérer ce domaine. Je suppose qu’il trouvera des motifs pour jeter ce Chanteux à la rue.

— Ah ! te marier convenablement serait le salut, mais d’où surgira ce gendre ?

Je demeurai perplexe. L’idée était simple, mais son exécution compliquée.

Les paroles de Chanteux résonnaient encore à mes oreilles : vous vous êtes compromise.

Le rouge me montait au front. Un mari voudrait-il de moi ?


VII


Nous recevions d’excellentes nouvelles d’Évariste. Il nous affirmait, dans chacune de ses lettres, qu’il ne savait ce qui lui était arrivé lors de son séjour à la maison. Il prenait même la chose en plaisantant et me recommandait de refréner mon imagination.

Il nous disait bien la vérité, parce que le vénérable ecclésiastique chez qui il était à demeure, dans les lignes qu’il écrivait à ma mère, le confirmait. Il avait été mis au courant de l’intempérance soudaine de mon frère et il s’en était étonné grandement. Il prétendait qu’il avait dû subir une mauvaise influence.

Je connaissais l’influence, mais maman ne voulait pas encore se rendre à l’évidence. Elle ne croyait pas Chanteux capable de tant de noirceur, ou bien, obligée de supporter cet homme qui tenait les rênes de notre vaste exploitation, voulait-elle s’illusionner sur son cœur et son caractère.

J’avais deux problèmes à résoudre : le renvoi de Chanteux et mon mariage.