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marane la passionnée

pluie, jusqu’à un certain degré. Mais, cet après-midi là, mes pensées furent sans contrainte, et ma fureur sans limites. Je faisais siffler ma cravache avec une telle force que mes chiens eux-mêmes avaient l’air de se demander quel génie m’animait.

Pour comble de torture, je rencontrai Chanteux.

Il me salua, et son sourire faux me parut goguenard.

— Toujours sur les chemins, Mademoiselle Marane ?

— À votre exemple, Monsieur Chanteux !

— Oh ! Oh ! mes courses sont nécessaires et fort utiles.

— Je fais quelques découvertes, moi aussi, ne vous en déplaise.

Le régisseur me regarda. J’eus l’énergie de sourire.

— Ah ! Et quelles sont ces découvertes ? questionna-t-il avec impertinence.

— C’est mon secret.

Il railla :

— Vous avez découvert sans doute que le flirt était agréable, même avec un domestique de ferme !

Il rit de façon tellement insolente que je n’y pus tenir. Je levai ma cravache.

Il me retint le bras. Mes chiens bondirent. Je n’eus que le temps de crier :

— Rasco ! Sidra !

Ils revinrent près de moi, alors que Chanteux s’éloignait de quelques pas.

— Vous ne pensez pas à ce que vous faites, Mademoiselle !

— Je pense surtout que vous m’insultez, Monsieur !

— Ce n’était pas une insulte, mais quand on a un ami, on peut apprendre que l’amitié ne va pas sans quelques démonstrations.

Que son ton était méchant et ses insinuations horribles ! Cet homme voulait nous rabaisser par tous les moyens et il profitait de mon innocence. Il se sentait si sûr de lui ! Ne tenait-il pas dans ses mains toute la destinée des de Caye ?

Je criai dans ma franchise :

— Jean-Marie a voulu se montrer familier avec moi, poussé par vous ! mais je l’ai giflé ! Une jeune fille comme moi ne se laisse pas manquer de respect par un valet !