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marane la passionnée

— Pauvre enfant, vous obéissez à votre instinct et votre caractère n’a pas encore de frein. Quel est l’être, voulu par Dieu, qui saura vous assagir ?

Je partis, gênée de mon personnage.

Ma conduite générale était-elle donc un objet perpétuel de scandale ?

Le dimanche, je chantai.

J’eus conscience de surprendre. De la tribune, près de l’orgue, où je me tenais, je sentis des têtes se tourner vers moi. Un silence plus grand envahit la petite église. Je devinais que les respirations étaient oppressées. Je fus bien fière de ce résultat.

Je ne vis pas Jean-Marie au sortir de la messe, mais toutes mes compagnes de première communion me regardèrent de telle façon que je pensai tout de suite qu’elles enviaient ma voix.

Je leur parlai comme de coutume, mais elles semblaient contraintes et se tenaient à distance. Leur respect avait grandi d’un seul coup.

Chanteux, en nous reconduisant, me dit :

— Sapristi ! quel frisson vous avez fait passer aux fidèles, Mademoiselle.

J’aurais voulu que le respect de Chanteux se fût augmenté aussi, mais il avait l’air plus ennuyé qu’admiratif.

Maman paraissait enchantée. Elle me glissa à l’oreille :

— Tu as au moins une belle qualité !


VI


Quand je revis Jean-Marie, le lendemain, je m’écriai :

— Est-ce que mon chant t’a plu ?

— Comment en serait-il autrement ?

Cette réponse me ravit. Sa mère abandonna pour un moment son sourire que je n’aimais pas et me dit :

— Je pleurais en vous écoutant.

Ce compliment m’amusa. Je me sentis plus gaie, plus enfant que jamais, et je trouvai tout naturel d’entendre la fermière nous conseiller :