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marane la passionnée

Maman ne répondit pas. Elle montrait les signes d’une fatigue évidente. Je la laissai se reposer et je gagnai ma chambre dans laquelle je n’avais pas encore pénétré depuis mon arrivée.

Je ne pensais presque plus à Jeanne de Jilique tellement les événements récents me préoccupaient.

Je sentais seulement une angoisse quand j’évoquais ma déception. Ma souffrance, cependant, ne nuisait à personne, alors que la conduite de mon frère était un abaissement, une tare indigne de lui et qui se répercutait sur une famille entière.

Ma nature énergique voulait remédier à ce malheur. Je savais qu’Évariste subissait une sorte d’influence et qu’il fallait la contrebalancer par une autre.

Au bout de quelque temps, il allait être l’heure de déjeuner, je rentrai dans la chambre de ma mère.

— T’es-tu un peu reposée, maman ?

J’avais pris un ton affectueux auquel maman parut sensible. Mais elle était si terriblement soucieuse qu’elle ne put se dominer.

— Comment veux-tu que je puisse trouver quelque repos après ces deux affreuses secousses.

— Deux ? Quelle est la seconde ?

— Mais ne t’es-tu pas enfuie ? Tu ne te doutes donc pas des complications que cela va provoquer ? C’est un scandale qu’exagéreront les domestiques ! Ne sais-tu pas encore que l’on est la proie de tout ce qui nous entoure ?

C’était vrai, car je pensais à Chanteux. Cependant, je ripostai avec une insouciance voulue.

— Ma réputation n’a rien à voir avec cet incident. Ce qui est plus important, c’est Évariste. Je vais aller le voir.

Maman ne protesta pas.

Je frappai à la porte de mon frère.

— Entrez ! répondit une voix pâteuse.

Affalé sur un fauteuil, Évariste me contemplait avec surprise.

— C’est toi ?

— Oui, c’est moi, dis-je sévèrement. Qu’est-ce que tu as ?

— Moi ? Je suis malade. Je ne sais pas ce que j’ai depuis quelques jours.