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marane la passionnée

— Hélas ! répondit faiblement ma cousine.

Elle s’absorba quelques secondes dans ses pensées, puis, se levant brusquement de son siège, elle me dit :

— Allez vous habiller.

— Non. Je ne veux pas dîner ce soir avec vos hôtes.

— Ne soyez pas capricieuse, maîtrisez-vous.

— Non. Je ne pourrai plus regarder Jeanne. Je veux m’en aller ! J’ai besoin de revoir mon entourage familier, mes chiens et la mer.

Mme de Jilique rit :

— Vraiment, c’est flatteur pour ma fille ! Ne continuez pas cette scène ridicule. Votre mère ne serait pas contente que vous rentriez si vite ; elle vous a confiée à moi et je vous garderai durant tout notre séjour ici.

— Vous ne pourrez pas me garder de force. Toute ma joie s’est envolée. Que ferai-je maintenant près de vous ?

— Ce que vous y avez fait jusqu’à présent.

J’aurais voulu discuter encore, mais mes cousines rentraient. Je les entendais rire et parler bruyamment entre elles.

Je regagnai ma chambre, où je me tamponnai les yeux. Ma résolution était prise. Je partirais le lendemain. Sous le prétexte d’une course, je prendrais le train.

J’avais eu l’intention d’aller chercher du secours près du précepteur d’Évariste, mais je savais qu’il m’aurait conseillé la patience et la gratitude envers Mme de Jilique. Je ne voulais plus d’avis. Indépendante, je m’en tenais à mon impulsion. Je me jugeais offensée et je voulais afficher mon dédain en partant.

Mes trois cousines étaient allées à la répétition d’une comédie dans laquelle elles avaient chacune un rôle. Je ne les accompagnai pas, préférant avoir la surprise de ce spectacle.

Jeanne avait un rôle de vedette et elle le remplissait dans la perfection au dire d’Emma.

— Si tu la voyais avec le jeune d’Acrob ! elle est d’une coquetterie ! Elle lui fait des yeux en coin à le rendre fou ! C’est honteux !

— Tu exagères, Emma, protesta Jeanne.

— J’en passe ! cria la jeune sœur, et les mines que tu as