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marane la passionnée

rance que n’exerçaient pas les autres. Mon cœur battit. Serait-ce l’amie que je rêvais ?

Je fus assez choquée de ces rires. Ma mère elle-même s’était jointe au quatuor pour se moquer de moi.

— Oh ! Marane, que tu es enfant !

Je répartis avec le plus grand sérieux :

— Je suis certaine que mes cousines sont plus ignorantes que moi. On apprend beaucoup de choses à vivre avec la nature.

Je crus leur en avoir imposé, parce que les rires se calmèrent.

Clotilde dit :

— Nous sommes venues pour te dire bonjour, mais nous avons une séance de coiffure et de manucure. Nous ne t’emmenons pas à cause de l’ennui que tu subirais. Maman, ajouta-t-elle en se tournant vers Mme de Jilique, nous reviendrons exactement pour l’heure du dîner. Cependant, si nous avons un peu de retard, ne vous alarmez pas.

Il y eut des paroles et un envol de ces trois Grâces. J’étais un peu abasourdie. Maman demanda la permission d’aller voir, dans son couvent, une vieille parente religieuse, et nous restâmes seules, ma cousine et moi. Je ne m’étais pas souciée d’accompagner ma mère. Je savais, d’ailleurs, qu’elle préfé­rait causer librement avec sa parente.

Quand nous fûmes en face l’une de l’autre, Mme de Jilique et moi, je dis avec calme :

— Je suis bien heureuse d’avoir vu Jeanne, elle me plaît beaucoup.

— J’en suis charmée, répondit en riant ironiquement ma cousine de Jilique.

Cette façon me froissa quelque peu. J’avais vécu isolée, mais je me piquais de savoir-vivre.

Je voulais aussi affirmer mes idées et je repris, non sans une certaine assurance :

— Vous ne vous doutez peut-être pas, Madame ma cou­sine, que je suis venue chez vous uniquement pour trouver une amie. Je n’en ai jamais eu, et il paraît que l’existence en est illuminée. Je ne veux pas manquer un bonheur