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marane la passionnée

— Quelle machination avez-vous ourdie ? m’écriai-je.

— Mais c’est une excellente idée, déclara mon aîné. Tu seras en ville durant la saison mondaine ; les dames de Jilique ont de nombreuses relations. Ce plan merveilleux ne te sourit donc pas ?

Soudain, le miroitement de la ville brilla devant mes yeux. L’inconnu me séduisit et je répondis rêveusement.

— Je trouverai peut-être une amie là-bas.

— C’est probable.

— Et quand tu reviendras, tu seras une jeune fille accomplie, ajouta maman.

— J’espère que non, protestai-je.

— Et pourquoi cela ? questionna Évariste.

— Parce que si être une jeune fille accomplie c’est passer son temps sans rien voir, ni entendre, ni penser, je ne veux pas être un tel spécimen. Cependant, je consens volontiers à séjourner chez les cousines de Jilique, ne serait-ce que pour savoir comment cela se passe dans la maison des autres.

— Tu es une bonne fille, concéda maman.

— Voire ! m’exclamai-je ; je veux rester libre, et si mon exil n’est pas tel que je le désire…

— Oh ! exil, murmura Évariste.

— Je reviendrai, achevai-je.

— Naturellement, approuva maman.


II


Nous revenions sans dommage d’une grande promenade en mer. Il faisait encore jour et nous croisâmes l’inévitable Chanteux.

Alors que j’esquissais un salut, Évariste dit aimablement :

— Je ne vous avais pas revu, Monsieur Chanteux. Je vous accompagnerai volontiers dans vos randonnées.

Je fus surprise. Du moment que mon frère voulait repartir, pourquoi cette promesse ?

Cependant, je ne me préoccupai pas outre mesure de ce