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marane la passionnée

m’aimait-elle malgré tout ? Mystère. La fièvre l’avait tout de suite plongée dans le délire et les mots qu’elle proférait n’avaient aucun sens, m’a assuré la garde. Et j’ai des remords qui me poursuivent. Peut-être n’ai-je pas été assez patient.

M. de Nadière s’arrêta. Maman avait un visage décomposé. Ses mains, sur ses genoux, tremblaient légèrement.

Elle commença :

— Marane aussi…

Je dis vivement :

— Vous n’avez rien à vous reprocher ! Jeanne n’a tenu compte ni de vos avertissements, ni de vos prières. Elle se moquait de votre amour. Je sais combien elle était dure. Son cœur n’existait pas et…

— Aie de l’indulgence ! supplia maman, sois charitable.

Puis, s’adressant à notre visiteur, elle poursuivit :

— J’estime, comme Marane, que vous n’avez aucun tort vis-à-vis de la pauvre Jeanne. Il ne faut pas exagérer les scrupules.

Je criai soudain :

— Moi aussi, j’ai cru être coupable ! Maman s’est imaginé que j’avais tué quelqu’un : notre régisseur.

Ma mère s’était levée comme si un ressort l’eût lancée hors de son fauteuil, tandis que M. de Nadière me regardait presque avec terreur.

— Marane, je t’en supplie ! implora maman.

Elle voulait m’interdire de parler, alors que, quelques minutes auparavant, sa bouche s’était ouverte, j’en avais eu l’intuition pour affirmer mes remords.

M. de Nadière disait :

— Je sais Madame, que votre régisseur s’est noyé dans votre propriété.

— Oui. Monsieur, répondit maman d’une voix mourante.

— Et comme je détestais Chanteux et que j’ai été contente de sa disparition de ce monde, maman m’a soupçonnée. Vous voyez que j’ai, ainsi que vous, un crime supposé dans ma conscience.

J’arborais un air triomphant parce que j’étais enchantée de ressembler à Renaud.

— Comment cet accident est-il arrivé ? questionna Renaud, en s’adressant à ma mère.

— Je l’ignore, répondit-elle.

— Moi seule le sais, intervins-je gravement, moi… et un autre.

— Un autre ? s’écria maman, agitée.