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marane la passionnée

— Je n’ai pas à faire les premiers pas. Ils me rendront visite s’ils le jugent bon.

— Tu n’es guère encourageante ! Voici un pauvre veuf qui a eu de la peine et tu ne lui offres même pas une diversion.

— Tu parles selon ta fantaisie, répliqua maman ; si ces personnes ne te plaisaient pas, tu ne serais pas aussi pressée de les voir.

— Mais c’est naturel ! Je ne veux pas perdre de temps ! J’ai conscience aussi d’avoir agi comme une étourdie vis-à-vis de M. de Nadière, et je voudrais réparer. Puis, je n’ai plus du tout de goût pour le revoir sur un roc perdu sur la côte. Je voudrais maintenant me promener avec lui dans un jardin.

— Tu dis des folies.

— Tu ne te promenais pas avec papa, avant de l’épouser ?

— Mais tu n’es pas fiancée !

— Comment veux-tu que je le devienne, si tu ne m’en donnes pas les moyens ? C’est une vraie bénédiction que ce monsieur soit venu se réfugier ici, mais encore faut-il lui montrer quelque amabilité ! Maintenant qu’il sait que Marane de Caye est une jeune fille bien élevée, il faut l’encourager. Ah ! si j’étais mère, j’en aurais des idées !

À vrai dire, maman ne put s’empêcher de rire de ma réflexion. Je n’en saisissais pas le côté comique, et je repris :

— Je trouve que si les mères avaient autant d’idées que leurs filles, le monde marcherait mieux.

Ce fut avec bonheur que je sortis de table et j’hésitai entre diverses solutions afin que ma journée ne me parût pas trop ennuyeuse, quand, en regardant dans l’allée principale, je vis un visiteur.

Je ne le reconnus pas tout d’abord, tellement la surprise me paralysa. Soudain, je poussai une sorte de rugissement qui signifiait : c’est lui !

— Qu’as-tu ? me demanda maman.

Alors, je prononçai à intelligible voix :

— C’est lui !

— Qui ?

M. Descré de Nadière !

— Oh ! jeta maman.