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marane la passionnée

— Bonjour, Monsieur ! Vous vous êtes égaré chez le voisin !

— Serait-ce vrai ?

— Mais oui, ce bols appartient à Mme de Caye.

— Je suis confus.

— Vous serez absous !

Mon accent était dégagé. Il me semblait même que je devenais bien coquette pour une demoiselle de compagnie.

— Je suis heureux de vous rencontrer, reprit-il, votre conversation me réconforte. Je broie moins de noir lorsque je vous ai vue. Votre manière de voir est saine, vos jugements sont sensés. Enfin, vous êtes pour mol la personnification de la droiture.

Eh ! eh ! je jugeais que mes affaires allaient bon train ! Je répliquai, avec une fausse modestie :

— Vous me comblez ! peut-être suis-je un peu trop franche.

— On ne l’est jamais trop ! s’écria M. Descré.

Cette opinion me plut.

— Vous avez beaucoup de délicatesse, continua-t-il, et vous parlez de la nature avec tant de justesse que l’on sent tout de suite votre âme haute.

Ah ! quel homme compréhensif il était ! Et comme il arrivait là où je voulais qu’il vînt.

Quel triomphe pour la demoiselle de compagnie.

Il y eut un moment de délicieux silence entre nous, du moins je le jugeai tel, parce que j’étais orientée vers les plus belles perspectives. Tout à coup, M. Descré me dit :

— Je suis surpris que Mlle de Caye ne vous accompagne jamais dans vos courses. Est-elle souffrante en ce moment ?

C’était un coup direct que je ne savais comment parer ! Je m’y attendais si peu. J’étais en plein rêve et il fallait que la réalité m’en arrachât brusquement.

J’articulai péniblement :

Mlle de Caye. Mlle de Caye.

M. Descré reprit :

— Votre réticence à en parler confirme ce qu’on nous en a dit, à ma mère et à moi.

— Quoi donc ? criai-je sans atténuer ma vivacité.